Le lundi 16 mars dernier, j’ai fermé les portes de mon cabinet. Pour nous protéger. J’ai dû basculer en une journée tous mes accompagnements à distance, par téléphone ou par visioconférence. Pendant ces huit semaines de confinement, je me suis adaptée pour continuer à vous accompagner.
Ainsi, j’ai observé jour après jour, les effets du contexte de pandémie mondiale et du confinement sur vos états d’âme.
Il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet de la « facture émotionnelle » concernant le vécu de cette crise. Néanmoins, dans cet article, j’explore ce que j’ai déjà pu percevoir concernant le contre-coup émotionnel provoqué par le confinement.
Vis ma vie de confiné.e
Adultes, adolescents, enfants … le quotidien, tel que nous le connaissions, a été stoppé net. Le confinement nous a imposé une adaptation extraordinaire à un contexte hors de notre contrôle. Chacun.e a pu réagir selon ses capacités.
Vous imaginez bien qu’au vu de mon métier, j’ai été davantage en contact avec des personnes qui ont mal vécu la pandémie et le confinement. Je pense tout d’abord aux client.e.s que j’avais déjà rencontré.e.s avant la fermeture du cabinet. Pour certain.e.s, nous avons dû revoir l’accompagnement prévu initialement, afin d’accueillir des (nouveaux) besoins devenus prioritaires.
Je pense ensuite à ces nouvelles clientes-nouveaux clients qui m’ont sollicitée spécifiquement pour les aider à traverser ces dernières semaines.
Témoin des mouvements émotionnels de la société
On me demande très régulièrement sur quelles thématiques j’accompagne les personnes en séances d’hypnose ?
Je réponds souvent que c’est très variable d’une période à une autre. Mais avec le temps, j’ai remarqué que les thématiques qui reviennent régulièrement, sur une période courte, racontent quelque chose de notre société. La dernière fois que j’ai eu cette sensation – avant le confinement – c’était en novembre 2019, juste après la prise de parole si courageuse d’Adèle Haenel.
Si vous saviez le nombre de coups de fil que j’ai reçus fin 2019 qui disait « Elle a osé parler. C’est mon tour maintenant. » ou « Elle m’a donné la force de vous appeler » ou encore « L’entendre partager son histoire, mon histoire, ça m’a fait tout remonter. J’ai besoin d’aide. »
Covid-19, confinement et hypnose
C’est pourquoi aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous les thèmes pour lesquels les personnes ont fait appel à moi pendant les huit semaines du confinement. Juste au cas où vous auriez besoin que je vous dise que vous n’êtes pas seul.e.
Un épuisement total :
Des personnes (essentiellement des femmes) sont venues à l’hypnose pour partager avec moi leur sensation d’être surchargées. Télétravail, école à la maison, travail domestique… ces personnes se sont senties totalement écrasées par le poids de leurs responsabilités.
J’ai beaucoup entendu la peur du burn-out professionnel ET familial, causé par un grand épuisement mental et émotionnel. « Je suis lasse. » – « Je suis sur la corde raide. » Le télétravail c’est génial mais dans ce contexte-là, la porosité entre le professionnel et le personnel provoquait un déséquilibre difficilement gérable.
La culpabilité de ne pas avoir un confinement productif :
De manière régulière tout au long du confinement, j’ai également entendu le sentiment de « ne pas faire assez » : pour les enfants, la famille, pour le travail ou pour soi-même. « Les journées sont trop courtes et en même temps trop longues ».
Ainsi, ces personnes se sentaient coupables de ne pas assez « profiter » du confinement pour mener des activités avec leurs enfants, pour lire, prendre un cours de yoga, apprendre une nouvelle langue… Comme si ce temps suspendu collectif aurait dû être absolument rentable et productif.
Le retour de vieux démons :
J’ai aussi rencontré des personnes qui ont été confrontées subitement à d’anciens mécanismes de défense, d’adaptation ou de soulagement : alcool, compulsions alimentaires, tabac, cannabis… « J’ai honte d’être retombée dedans. » – « Je devrais savoir gérer autrement depuis le temps. »
Ces personnes pensaient que c’était de l’histoire ancienne. Mais malheureusement, le contexte mondial était tellement anxiogène et déstabilisant pour elles, qu’il semble avoir réactivé en elles ces mécanismes du passé qui sont redevenus des « soupapes de décompression » automatiques.
La réactivation de blessures anciennes
Le confinement a été synonyme pour certaines personnes d’enfermement et de contrainte. Et pour ces personnes-là, ces deux éléments ont réactivé des blessures anciennes liées à leur histoire personnelle. « Pourquoi je rêve de mon père et de moi enfant depuis le confinement ? » – « Quand est-ce que je vais arrêter d’être aussi en colère, irritable ? » – « Pourquoi je m’en prends à ma conjointe alors que je sais que ce que je ressens est lié à mon passé ? »
Ainsi, le passé surgissait au présent, brouillant tous les jours un peu plus le quotidien. Passé, présent, futur, tout se confondait et les prenait au dépourvu.
La peur au ventre :
J’ai également accompagné des personnes qui avaient peur, très peur.
Peur de mourir, peur d’être malade, peur de transmettre la maladie, peur des autres, peur de sortir. Des peurs qui peuvent paraître légitimes dans le contexte actuel, n’est-ce pas ?
Cependant, ces peurs-là prenaient de plus en plus de place au fil des jours voire elles finissaient par prendre toute la place, toute l’énergie disponible, toute la bande passante. Et le quotidien ne se vivait plus qu’au travers de cette émotion allant jusqu’à créer un état d’anxiété global.
Au-revoir sommeil paisible :
Beaucoup de personnes sont aussi venues vers moi concernant des troubles du sommeil survenus pendant le confinement.
Certaines ont vu leur endormissement devenir difficile voire impossible. « J’ai une crise d’angoisse dès que je commence à m’endormir. » D’autres personnes ont quant à elle découvert des nuits hachées remplies de réveils nocturnes inexplicables. « Je me réveille toutes les nuits à 3h. Et ensuite je galère à m’endormir car mon cerveau part dans tous les sens. »
Et d’autres encore me décrivaient des nuits pleines de rêves incompréhensibles et de cauchemars angoissants.
Les montagnes russes émotionnelles :
J’ai également suivi des personnes qui se décrivaient comme vivant des montagnes russes émotionnelles. Du super positif et bim du super négatif. Des va-et-vient émotionnels incessants qui les déstabilisaient beaucoup et qui rendaient leur quotidien pour elles-mêmes et leurs proches plus difficiles à gérer.
En outre, cela générait en elles une sensation de perte de repères de plus en plus profonde. Celle-ci créait par ailleurs une culpabilité allant jusqu’à une baisse dans leur estime d’elles-mêmes.
Un trop plein :
Je crois que c’est l’une des thématiques qui est la plus revenue au cours de ces semaines de confinement. Trop plein de tout : trop plein d’émotions, d’informations, de contradictions, de sollicitations, de non-sens, d’incompréhensions, d’incertitudes.
Ces personnes perdaient au fil des semaines leur capacité à faire le tri, à écouter leurs émotions, car tous les messages prenaient le même niveau d’importance en même temps. Ces personnes se décrivaient souvent comme ayant perdu leur aptitude à prendre du recul, parfois même à réfléchir, à prendre une décision et se sentant complètement à fleur de peau.
La solitude subie :
J’ai également suivi des personnes partageant avec moi leur souffrance quant à une solitude subie, frôlant l’isolement. Ces personnes se sont retrouvées à être confinées seules ou avec des personnes qu’elles n’appréciaient pas.
Je pense aussi à ces personnes célibataires qui avaient l’impression de vivre une double peine concernant leur célibat. Certaines me décrivaient ainsi un manque douloureux de contact. Et d’autres me parlaient de leur crainte par rapport à leur situation qui allait s’éterniser selon elles de facto : « Comment je vais pouvoir faire des rencontres alors qu’on nous empêche de nous rencontrer ? »
La perte de sens :
J’ai aussi été sollicitée par des personnes qui se sentaient fragilisées par une perte de sens totale. « A quoi bon faire ce métier ? » – « A quoi bon avoir ce projet ? Tout est devenu si futile. » – « A quoi bon continuer à faire partie de ce monde, de cette société ? »
Cet arrêt d’urgence du quotidien a fait exploser en plein vol, chez certain.e.s, leurs projets, leur vie ou encore la hiérarchie de leurs valeurs. Ce freinage d’urgence leur a imposé l’introspection, un temps d’observation et d’interrogation sur ce qui ne leur convenait plus « dans leur vie d’avant le confinement ».
Cette mise à jour a pu être très brutale chez certaines personnes provoquant une vraie crise existentielle.
Les deuils :
Quelques personnes ayant malheureusement perdu un proche – mort ou non du covid-19 – m’ont contactée pour être accompagnées pendant cette épreuve. « Comment faire son deuil pendant une pandémie mondiale ? »
Mais, je pense également à toutes les personnes qui m’ont appelée pour être accompagnées face à un autre type de deuil : perte d’emploi, arrêt brutal d’un projet, rupture amoureuse. « Nous nous sommes séparés juste avant le confinement, il ne voulait pas être confiné avec moi. »
Je pourrai faire un article entier sur les deuils induits par ce printemps 2020. Car d’une manière ou d’une autre, nous avons tous fait le deuil de quelque chose pendant ces semaines de confinement, n’est-ce pas ?
La fureur de changer :
Malgré le confinement ou grâce au confinement, j’ai aussi rencontré des personnes qui étaient pleines d’énergie pour changer. Le changement comme un cri de vie, un cri du cœur.
« C’est maintenant ou jamais que j’arrête de fumer. » – « J’ai envie de maigrir. » – « Je sens que c’est le moment pour moi de passer à l’étape suivante. »
Ces personnes étaient comme remplies d’une fureur de changer. « J’arrête les conneries, je change. » Parfois, certaines s’engageaient dans ce projet avec l’idée qu’elles avaient justement besoin de se prouver qu’elles étaient capables de le faire, comme un rituel pour se connecter à leur force.
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Pour conclure, j’aimerais vous dire à nouveau que si vous vous retrouvez dans ces lignes, c’est OK ! Nous avons tous fait face à ces dernières semaines comme nous avons pu, à la hauteur de nos moyens et de nos capacités. Par contre, si vous sentez que cela vous colle à la peau et que cela devient trop inconfortable pour vous, vous pouvez demander de l’aide. Et c’est ok aussi.
Je reste à votre disposition pour échanger comme d’habitude par mail. Au plaisir de lire vos réactions.
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